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    Transactions sexuelles marchandes, numérisation et espace : quelles transformations des pratiques et des valeurs ?
    Réalisée dans le large champ de la sociologie économique, ma thèse de doctorat a montré une ouverture claire et actuelle du champ des possibles dans le domaine des pratiques sexuelles tarifées au travers du numérique. Cette thématique, liée au milieu encore tabou des sexualités, m’a menée au sein de terrains complexes et extrêmement dynamiques qui participent aux structures de nos sociétés contemporaines. En conjuguant des perspectives transdisciplinaires faisant tant appel à la sociologie et à la géographie qu’à l’économie et aux Gender studies, ces axes complémentaires m’ont permis d’analyser un phénomène complexe en y comprenant ses actrices et acteurs, ses flux monétaires, ainsi que ses territoires et temporalités. Afin de rendre compte de cette perspective, une méthode de recherche mixte a été mobilisée. Faisant appel aux entretiens exploratoires, puis semi-directifs dans un premier temps, j’ai élargi ma méthode en analysant des plateformes en ligne, tant d’un point de vue descriptif (profils en ligne, typologies de sites, images) que d'étude de discours en ligne (forums, notations et ranking, catégorisations). Ces nouvelles formes d’observation participante – sans contact direct sur les plateformes de livecam – feront l’objet d’une réflexion sur le plan éthique de la recherche. Cet ensemble couplé à des entretiens et à l’analyse de documents d’entreprises multinationales (DH, Entreprise n°2, Luxembourg – TC, Entreprise n°1, CH-Nevada) ont permis d’effectuer un aller-retour constructif entre une vision macro du marché global, tout en construisant une analyse micro des transactions opérées sur ce type de plateforme. Afin de rendre compte d’un processus dynamique, ma recherche fait appel à deux bases théoriques distinctes : l’une plus contemporaine traitant notamment des perspectives mobilisées par des chercheur·e·s dans le domaine des plateformes, du caming et des sexualités (Jones ; Trachman ; Bergström ; Srnicek), l’autre plus classique faisant appel à des concepts stabilisés en Gender Studies et en économie institutionnelle (Tabet ; Commons ; Pheterson). En sus, les dimensions d’espace et de valeur ont été prises en compte tout au long de mon analyse. Non seulement les apports théoriques de la valuation (Aspers, Beckert ; Dewey) et de l’experience economy (Pine, Gilmore) m’ont permis d’analyser les éléments de la construction sociale des différentes valeurs, mais également l’axe spatial lié aux “medias“ ont mené à une articulation complète des espaces concrets, numériques et de leurs liens aux nouvelles technologies (Adams). Pour conclure et formuler un résumé des résultats de ma recherche, cet ensemble a permis de montrer que le numérique mène à des formes d’évitement partiel au sein des espaces concrets des stigmates liés aux prestations sexuelles tarifées, et ce, tant du point de vue des prestataires que de la clientèle. En effet, les nouvelles technologies permettent une diffusion des pratiques sexuelles (annonces en ligne, prestations de livecam, vente de sous-vêtements utilisés, etc.) en évitant l’exposition à l’entourage social direct. En outre, la consommation de ce type de bien ou de prestation peut se réaliser de manière complètement discrète au travers d’une prise de contact et/ou d’une consommation numérique, d’un envoi postal anonyme, d’une rencontre dans un espace privé, etc. Si ma recherche expose des changements fondamentaux en termes de possibilités de consommation, elle montre également le maintien de schémas sociaux connus, puisque la majorité des ventes sont réalisées dans ce domaine par des femmes et des personnes se reconnaissant comme telles et que la consommation est, elle, majoritairement accomplie par des hommes. Le numérique opère donc bien une claire ouverture du champ des possibles face à nos pratiques dans le domaine des sexualités et des corps. Ce type de prestation passe par une construction temporelle faisant tant appel à la scène publique de discussions sociétales des normes, des valeurs, ainsi que des institutions qu’à la scène privée et intimes des pratiques individuelles. Ceci rend finalement compte d’un fait social total, illustrant le fonctionnement d’un domaine spécifique de nos sociétés contemporaines, bouleversées par des technologies, tout en maintenant certaines structures sociales importantes comme celles des rapports sociaux de sexes et de genre.
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    Les transactions économico-sexuelles : actrices et acteurs, institutions et territoires
    Cet article adopte l'hypothèse avancée par Tabet (2004 ; 2001), selon laquelle les transactions sexuelles sont toujours encastrées dans un cadre économique, et cherche à illustrer comment cet encastrement se présente aujourd'hui avec une étude de cas numérique. Les transactions économiques sexuelles (TES) sont abordées dans une perspective institutionnaliste et territoriale, ce qui nous permet de compléter le cadre structuraliste de Tabet et de saisir les changements en cours. L'objectif est d'identifier les modalités relationnelles, institutionnelles et calculatoires des TES, et de proposer un idéal-type basé sur la théorie des transactions de Commons ([1934], 1989). Afin de comprendre l'interconnexion entre les TES et le reste de la société, nous identifions dans la deuxième section une typologie des territorialités, en utilisant les oppositions entre espaces publics et privés d'une part, et espaces commerciaux et domestiques d'autre part. Partant de l'idée que les TES ont historiquement constitué des activités qui structurent ces oppositions, nous examinons dans la troisième section comment la numérisation affecte aujourd'hui leur inclusion dans la société au travers du cas des sexcams. En conclusion, nous proposons l'hypothèse selon laquelle les TES ont par le passé revêtu un caractère menaçant pour l'ordre social, et ont toujours fait l'objet d'un lourd contrôle, notamment au sein de l'espace public marchand. Ce contrôle est aujourd'hui réinventé numériquement par certaines formes d’évitement du "stigmate de la putain" (Pheterson, 1993), tout en créant une séparation encore plus grande entre la sphère publique et commerciale d'une part et la force commerciale de la sexualité féminine d'autre part.